Journal de Bord – Nord est des Caraïbes

25 Novembre 2018

 

Nous sommes au mouillage dans la baie de Portmouth en Dominique. Nous sommes 4 sur le bateau depuis 3 jours : Cécile et Leah nous ont rejoint, depuis 15 jours pour la première, 3 jours pour la seconde. Pendant que ces demoiselles font leur sieste, que le curry chauffe sur le feu, il est temps pour nous de rattraper notre retard sur le journal de bord.

Nous nous étions quittés alors que nous nous préparions à quitter les Bahamas pour rejoindre les Turk and Caicos.

 

Traversée de m…

Mattew Town, Bahamas – Providenciales, Turk and Caicos

Le jour du départ, après les péripéties administratives (voir dernier article), notre réparation de fortune effectuée, nous mettons les voiles en début d’après-midi. Nous avons retardé ce départ pendant 2 jours, un coup de vent étant prévu pour l’après midi au nord de Great Inagua. Sans compter que si depuis le début du voyage nous avions eu du vent Est/Sud-Est, quand notre cap étai précisément Est/Sud-Est, autant dire que avec ce cap au Nord/ Nord-Est, on allait enfin pouvoir faire autre chose que du prés serré pendant toute notre navigation, et surtout avoir une route directe, sans virement de bord ! Soit, 2 jours à attendre à Matthew town et un coup de vent prévue pour la nuit, sans compter notre accélérateur à réparer. 90 miles pas trop face au vent donc, avec pointes à 35 nœuds prévus, on a connu pire certes mais on est vaccinés contre ce genre de records. 90 miles soit environ 18 heures (si Damacha avance à 5 nœuds, ce qui est une bonne moyenne, il parcours 5 miles en une heure). Le début du trajet se passe bien, on avance à 6 voire 7 nœuds, le vent est bien placé et la trajectoire optimale. On a mis un ris d’artimon, un ris de Grand-voile (Un ris est une réduction de la surface de la voile en l’empêchant de se déployer complètement, ce qui a pour effet, quand il y a du vent, de réduire la gite du bateau). on passe les deux caps de Man of war bay à la tombée de la nuit, en avance sur nos prévisions. L’ambiance est au beau fixe, on est plus qu’optimiste sur arriver le lendemain après-midi On se prépare pour la prise des quarts et le coup de vent prévu pour le milieu de la nuit.

Le lendemain matin le coup de vent n’a pas été aussi fort qu’attendu, ce qui est une bonne nouvelle. Le vent a faibli, passant entre 10 et 15 nœuds, ce qui est limite bas pour notre bateau, on enleve donc les ris. Mais le plus embêtant est que petit à petit ce même vent a tourné pour trouver son origine de plus en plus sur notre destination.

Pour être honnête quand on prépare notre navigation, on prévois toujours une vitesse plus faible et on se rajoute une marge de sécurité. Si la prévision était de 18 heures, nous avions estimé le temps de trajet réel à 24 heures. Nous en mettrons 40, et au lieu de 90 miles à parcourir, nous en aurons presque 200. Quand le vent vient de face, on ne peut aller tout droit, il faut donc faire des virements de bords. Notre bateau remonte assez bien au vent, environ 40 degrés, mais pour aller d’un point A à un point B il faut zigzaguer et donc rajouter de la distance. Ces deux jours-là Eole eu un humour bien lourd à vouloir nous barrer la route implacablement, orientant son souffle tantôt nord tantôt sud, tantôt est.

Sans compter quelques péripéties classiques (une vague un peu plus grande qui fait giter un peu plus Damacha, projetant tout le carburant sur un coté du réservoir, créant ainsi un appel d’air dans l’arrivée de diesel du moteur, faisant caler notre bon vieux moteur au moment où on était en train de recharger nos batteries trop faibles. Forcement cela arrive en plein milieu de la nuit, en pleine houle, en espérant que ce ne soit pas autre chose qui ai arrêté ce moteur. On n’a jamais autant économisé d’énergie que cette nuit-là, il fallait au moins que l’on puisse avoir notre GPS qui fonctionne pour l’arrivée.

Finalement le moteur redémarrera à l’approche des côtes, et nous poserons pied à terre après deux jours de nav assez éprouvante.

 

Turk and Caicos.

Nous ne nous attarderons pas trop sur notre passage sur cette ile. Tout d’abord, en raison de notre cassage d’accélérateur nous sommes obligés d’attendre 5 jours l’arrivée de la pièce, nous n’avons pas pu bouger avec le bateau. C’est aussi un passage où on se rend compte des impacts que ce voyage peut avoir sur la vie que l’on a laissée en Métropole. Bref pas une semaine parmi les plus gaies du voyage et sur laquelle nous ne nous passerons vite. Après avoir réparé le bateau, avec notre nouveau câble d’accélérateur, le plein de vivres et d’eau nous voilà à nous préparer à partir en direction de la République Dominicaine. 162 miles à parcourir cap au Sud/Sud-Est avec vent de … Est/Sud-Est. Nous mettrons deux jours pour cette traversée marquée par 2 moment inoubliables :

Le premier est le départ des iles Turks and Caicos. La sortie de la baie se fait entre la plage et une barrière de Corail située à 1 km de cette dernière. Une houle conséquente est annoncée et vient se briser en rouleaux gigantesque a quelques centaines de mètres de Damacha. L’horizon n’est qu’une succession de ces vagues s’enroulant sur elles-mêmes lorsqu’elle rencontre la barrière de Corail. On se demande comment traverser ce mur d’écume. On sait qu’il y a une passe par laquelle on est rentrés. Elle apparait au dernier moment alors que nous sommes à désormais 20 mètres de la muraille blanche qui vient s’écraser dans un vacarme assourdissant. Finalement, la passe trouvée nous rejoignons l’océan Atlantique et hissons les voiles alors que les fracas deviennent de plus en plus lointains. Nous devons contourner le nord de l’ile pour ensuite mettre cap vers notre destination, et ce contournement se fait en grand largue (Vent trois quart arrière), avec une houle de 2m50 très espacée nous permettant de longs surfs a plus de 8 nœuds, la proue du bateau orientée sur soleil couchant. Cadre idyllique que nous allons bientôt partager avec un banc de Dauphin qui viennent jouer avec l’étrave du bateau. Ils sont un peu moins d’une dizaine mais sautent tout autour de nous, à moins d’un mètre de la coque, passent sous le bateau, passent d’avant en arrière et d’arrière en avant dans un ballet tout en souplesse. Leur escorte durera une demie heure, puis ils s’éclipserons avec la tombée de la nuit. Sans doute un des plus beaux souvenirs de navigation que l’on ait eus jusqu’à maintenant.

Le deuxième est 36 heures plus tard, alors que nous sommes proche de la cote Dominicaine, le thermique auquel nous nous attendions pourtant arrive d’un seul coup, violent, brusque et couche Damacha sur le flanc. Nous ne l’attendions pas si violent, si imprévisible. On abat grand-voile et génois, on garde l’artimon et on finira la nuit et la traversée comme ça.

Entre temps au lever du soleil du premier jour, nous assisterons à la naissance d’une trombe d’eau (tornade d’eau) dans une cellule orageuse à quelques kilomètres de nous. Spectacle impressionnant et hypnotisant que ce tourbillon d’eau s’élevant jusqu’à rejoindre le tourbillon d’air qui descend de son obscur cumulonimbus.

 

République Dominicaine ou le royaume des pirates modernes.

Notre première étape en république Dominicaine est Luperon, un des trous à cyclone les plus sûr des caraïbes. Enclavée entre plusieurs montagnes recouvertes de forêts, la baie bordée de mangrove est un refuge contre le vent et la houle. L’eau boueuse et le peu d’installations portuaires ne rebutent pas les voyageurs au long cours à venir ici jeter leur pioche ou s’accrocher à un mooring (corps mort) pendant la saison cyclonique. La vie y est paisible, le petit village du même nom que la baie est un agglomérat de petites maisons à un seul niveau et de routes tortueuses, tantôt en terre tantôt goudronnées. Ici la ville et sa vie bouillonnante sont tournées vers la baie et ses navigateurs. On baragouine en espagnol, on y parle fort pour couvrir le bruit des motos qui bourdonnent à toute heure du jour et de la nuit, on y boit du Rhum plus facilement que de l’eau (la bouteille de Rhum est à 10 euros dans les bars). Cette communauté de voileux, habituée à bouger d’ile en ile, qui s’installe pour quatre mois (certains ne repartent jamais et sont ancrés ici depuis plus de 10 ans) donne à la ville un air de bastion pirate. L’après-midi les navigateurs restent sur leur navire, bricolent, lustrent le pont, font la sieste, lisent ou vaquent à diverses occupations. Si besoin est de se ravitailler, il suffit de déambuler dans les rues et d’expliquer au premier quidam venu votre besoin, et à coup sûr il connaitra quelqu’un qui a une tante qui travaille avec un mec qui sait où trouver ce dont vous avez besoin. Pour quelques pesos, il peut vous amener le rencontrer sur sa moto cross. S’il n’a pas de moto, il connaitra aussi quelqu’un qui connais des gens qui peuvent vous amener en moto.

Une fois toutes les taches journalières effectuées, les navigateurs migrent sur leurs dinghy (petite embarcation, gonflable ou non, permettant de rejoindre la cote lorsque votre bateau est au mouillage) et vont se glisser dans les tavernes installées au bout du dock des pécheurs. On chante, on rigole, on se reconnait ou on se découvre, on s’échange des astuces de navigation pour longer la république Dominicaine, les endroits à visiter aux alentours, on boit du Rhum, mange dans la rue avec nos doigts du poulet grillé et du riz aux lentilles ou des frites. Nouveaux venus, arrivés quasiment à la fin de la période cyclonique, nous sommes une attraction, on vient voir les nouveaux, les deux français qui sont arrivés ce matin, on nous demande d’où on vient, où on va, ce qu’on boit et quelle chanson on veut pour le karaoké parce c’est notre tour après. Nous n’avions jusqu’à maintenant rencontré la communauté de voileux où on se rencontre pour la première fois ou on se retrouve, tout le monde est dans une dynamique d’exploration de découverte, prêt à repartir au bout de quelques jours, semaines, les têtes se renouvellent si vite que d’une semaine à l’autre l’ambiance d’un mouillage peut changer drastiquement. Ici les voileux s’installent, s’organisent et transmettent leurs coutumes, leurs habitudes, se fondent dans la population, s’organisent, se lient. Après les explorateurs, voici un nouveau type d’aventuriers : les pirates. En résulte une vie légère où le temps est oublié depuis des lustres, les rencontres priment même si éphémères, les discussions se répètent d’une soirée à l’autre, le rhum aidant, le mantra “Carpe Diem” prend tout son sens. La vie y est peu chère car faite pour des séjours prolongés. Tantôt on découvre la baie, tantôt on s’enfonce dans les terres, roadtrips, descente de cascades, on ne reste quasiment plus sur le bateau. Il faut dire, qu’après les Bahamas et leurs iles de sable blanc, leur eau turquoise mais avec peu de reliefs, la république dominicaine avec ses eaux boueuses, ses montagnes de roches et de terre recouvertes de forêts tropicales nous offrent un nouveau terrain de jeu. Paisible est l’existence dans la baie de Luperon, peut-être même un peu trop, cette douceur de vivre peut être grisante et il est facile de se laisser emporter et ne jamais en repartir. Alors au bout de 5 jours, on se prépare à avancer, à rejoindre Samana notre prochaine étape, dernière en république Dominicaine avant un grand saut au travers du Mona passage, la traversée de Porto Rico sans escale (pour faite de Visa) et un atterrissage aux iles vierges Britanniques, porte des Antilles.

C’est un peu le cœur le lourd que nous quittons Luperon et sa communauté de gentils corsaires, nous nous promettons d’y revenir un jour. Puis se présentent face à nous les 130 miles pour rejoindre la baie de Samana. Si nous avions connus des traversées galère, celle-là va être la plus pénible et de loin. Deux caps à franchir, un vent pleine face, du courant, des orages, les thermiques et de la pluie. Pour cette distance, en théorique il faut compter 26 heures, en pratique on en avait compté 48, en réalité nous mettrons plus de 60 heures. 60 heures de coups de vents, de houle capricieuse, de paquets de mer, d’éclairs qui déchirent le ciel pour une arrivée en apothéose, de nuit longeant la côte de la baie de Samana. La cote est une petite colline abrupte haute de quelques dizaines de mètres, longue de plusieurs kilomètres parsemés de lumières semblables à des lampions qui laissent deviner par un jeu d’ombres la forêt tropicale qui les entoure. Le village de Samana au fond de la baie, lui-même à flanc de colline, n’est qu’un amas de petits lampions. On se croirait dans pirates des Caraïbes.

Mouillage posé, il est 6 heures. On attend l’ouverture des bureaux pour s’enregistrer, 8 heures, on s’assoit au Royal Snack, premier restaurant à la sortie du dock des pécheurs. Café, burger, petit dej complet et bière. On détonne un peu au milieu des gens qui se réveillent. Le patron, Daniel nous apporte nos plats, on discute, il est français, pied noir, a bougé dans le monde et fait dix mille boulots différents, on sympathise, il est cuisinier et se propose de préparer du bœuf Bourguignon pour midi, on est amis, il nous présente sa famille et s’assoit avec nous, on est meilleurs potes, il nous prendra sous son aile et nous fera visiter Samana et ses environs … on ne sait plus quoi dire. Le Royal Sanck deviendra, pendant nos 10 jours à Samana notre cantine, notre quartier général, notre office du tourisme, notre point de chute, notre safe zone.

Nous resterons 6 jours à Samana et rencontrerons notamment Darren et ses amis pour des soirées endiablées au Royal. Nous visiterons la ville et son marché, ses petites maisons multicolores, les plages paradisiaques de Las Terenas. Nous réparerons pour pas cher notre annexe, révision du moteur, nouveau plancher d’annexe sur mesure, etc.  Nos prévisions étaient de ne rester que 4 jours, mais la météo du Mona passage nous oblige à rester plus longtemps que prévu. Le Mona passage est la zone où la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique se rejoignent. La mer peut très vite se former et atteindre facilement 2 à 3 mètres de creux assez rapprochés. Nous prenons l’option de prendre le plus au nord possible et passer par la fosse de porto Rico, deuxième fosse la plus profonde au monde après la fosse des Mariannes.

La veille du départ, nous finissons les préparatifs. La météo nous annonce vent calme, voire très calme. On va donc devoir faire du moteur. Nouveaux bidons d’achetés et pleins (soit 140 litres en plus de nos 170. Le matin du départ, notre pilote automatique nous lâche. Et voilà 5 jours de navigations à devoir barrer h24 … super …

La traversée se passera sans aucun problème, pour la première fois depuis le début du voyage une nav sans soucis … Nous faisons la navigation en 4 jours pour arriver au milieu des petites îles recouvertes de gazon des îles vierges britanniques.

Magnifiques plongées, (eagle ray, requins nourrice, murènes, etc). Magnifiques îles vierges, où nous plongerons pendant les 4 jours de notre séjour.

 

Une dernière escale à Saint Martin, retour en France à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole. Entre recherche de pièces détachées, et petits breaks culinaires forts bienvenus, nous voilà partis pour récupérer Cécile avec 3 mois de retard en Guadeloupe.

 

Cécile nous voilà !

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